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Droit des affaires et environnement. L'expérience libanaise

Droit des affaires et environnement. L'expérience libanaise - Gaby Chahine​

Gaby Chahine,  Docteur en droit, Juge judiciaire, Professeur des Universités

Monsieur le Professeur Albert Lourde, recteur de l'Université Senghor,

Madame le Professeur Leila Saadé, Présidente de l'EDDMO,

Monsieur le Professeur Herve Sabourin, directeur régional de l'AUF,

Chers collègues enseignants, juges, et doctorants,

Permettez-moi d'abord de vous exprimer ma profonde gratitude pour m'avoir offert l'opportunité de participer à cette grande manifestation scientifique.

Mesdames et Messieurs,

Au cœur de cette époque, o combien triste et terrible, notre si cher Moyen-Orient n'a besoin que de science, de culture…et de beaucoup d'espérance(!).

(…) Mais passons maintenant à nos propos.

« Nous n'héritons pas de la terre de nos parents, nous l'empruntons à nos enfants »

Antoine de Saint-Exupéry

Un abîme sémantique semble séparer les vocables dont il s'agit dans nos développements: affaires et environnement.

Le terme affaires renvoie, presque systématiquement, à la quête du profit, le profit le plus grand… encore et encore. L'expression environnement semble suggérer, quant à elle, une démarche généreuse, un comportement altruiste… une vision quasi romantique.

Le poids des mots est à cet égard fort significatif.

Or, comme l'exprime si bien Henry FORD, le grand entrepreneur américain du début du XXe siècle, l'entreprise doit faire des profits, sinon elle mourra. Mais si l'on tente de faire fonctionner une entreprise uniquement sur le profit, alors elle mourra aussi(…)

Pendant longtemps, le souci environnemental était considéré comme l'antonyme du développement économique, de la croissance. Cette mentalité, héritée de l'après-guerre à l'époque ou les économies dites occidentales et celles du Japon pourchassaient frénétiquement le rêve de la croissance infinie, commence heureusement à bouger.

De nos jours, l'Homme commence à comprendre qu'il n'est guère possible de poursuivre la recherche du développement et du profit illimité sur une planète aux ressources naturellement limitées.

Nos sociétés commencent à comprendre qu'il serait possible de concilier développement et protection de l'environnement.

Aussi, notre intervention aux travaux de cette assemblée s'inscrit dans cet ordre d'idées. Nous allons exposer, dans le respect des contraintes issues de l'emploi du temps, l'expérience libanaise en matière de droit de l'environnement en dressant un état des lieux puis en tirant un bilan.

L'état des lieux

Le ministère libanais de l'environnement dénombre dans notre pays pas moins de 730 textes normatifs relatifs à l'environnement. Une véritable « nébuleuse environnementale » complexe et protéiforme.

Cependant, l'émergence d'un véritable droit autonome de l'environnement au sein de notre système juridique demeure une donnée relativement récente. Ainsi, il a fallu attendre 2002 pour voir émerger une loi, symbolique certes (symbolic act), mais aussi à vocation pratique, entièrement dédiée à la protection de l'environnement.

La lecture de cette fameuse loi n 444/2002 du 29 juillet 2002 révèle rapidement l'attachement du législateur libanais aux standards internationaux de protection de l'environnement. En réalité, notre droit a fait siens les principes du droit international de l'environnement et s'est également inspiré - comme par fidélité à une tradition désormais centenaire - des règles et dispositions du Code français de l'environnement.

Nous allons examiner dans un premier temps l'évolution et les sources du droit libanais de l'environnement, avant d'exposer, dans un second temps, ces principes normatifs et le cadre institutionnel qui lui a été dédié.

Evolution et sources du droit libanais de l'environnement

Décrire l'évolution du droit libanais de l'environnement c'est retracé l'histoire du Libanais avec sa montagne.

Ce vaillant montagnard a dû, pendant longtemps, vaincre les éléments et dompter les ardeurs de la nature de son pays pour vivre… pour rester en vie. Une nature fière qui se décline en un chapelet de monts et de vallées. Une nature austère, écrasée l'hiver par la neige et l'été par le soleil de la méditerranée.

Au cœur de cette bataille pour la suivie, l'environnement est un ennemi. La protection de ce dernier une déclaration de guerre contre l'Homme.

Plus tard, le libanais conçoit son environnement comme une source de richesses. Les Phéniciens établissent tout autour de la méditerranée un ensemble de comptoirs commerciaux pour y vendre les produits issus de leur territoire: le bois de nos cèdres eternels ont servi, ici même en Alexandrie, à édifier les monuments grecs qui ont longtemps fait la fierté de cette métropole.

La nature devient alors une bourse qu'il va falloir fructifier… l'enrichissement du libanais passait dès lors obligatoirement par l'appauvrissement de son environnement.

A partir des débuts du siècle dernier, le  Libanais, enfin libéré du joug ottoman, commence à se rendre compte du caractère épuisable des richesses de la nature; mais aussi du caractère irréversible des atteintes contre son environnement. Désormais, la prise de conscience environnementale s'accélère et se manifeste dans les domaines les plus variés.

Notre droit n'échappe point à cette nouvelle donne et l'on voit émerger les textes normatifs fondateurs de notre dispositif légal environnemental.

Cet ensemble de textes de droit interne a été complété par la loi-cadre n’ 444 du 29 juillet 2002 qui est actuellement la magna carta du système normatif libanais en matière d'environnement.

Cette évolution s'accompagne par une diversification des sources. Ainsi, à côté d'un effort de codification sur le plan interne, le Liban a entamé dès 1992 une politique soutenue visant à adhérer aux conventions et protocoles du droit international de l'environnement. Actuellement, le Liban fait partie des signataires des conventions suivantes: (par ordre chronologique):

- Les deux conventions relatives à la couche d'Ozone (1993).

- Les deux protocoles annexes à la convention de Barcelone de 1986 sur la protection de la méditerranée.

-La convention sur les changements climatiques de Rio de Janeiro de 1992.

- La convention sur la biodiversité de Rio de Janeiro de 1992.

- La convention de Paris sur la lutte contre la désertification de 1994.

- La convention Ramsar de 1999.

Principes du droit libanais de l'environnement

A l'instar du droit français et des normes internationalement admises, l'article 3/L.444 ouvre le ballet des principes fondamentaux du droit libanais de l'environnement par l'affirmation du droit à un environnement sain et stable.

Ce droit est reconnu à toute personne humaine et va de pair avec le devoir (qui incombe aussi à toute personne) de veiller à la protection de l'environnement et d'assurer les besoins des générations présentes sans compromettre les besoins des générations suivantes.

Ce droit à l'environnement, sorte de droit premier de l'Homme est aussi une finalité, une quête ultime.

Solennellement, la loi n 444/2002 du 29 juillet 2002, continue son exposé des principes, sur une tonalité didactique, par un listing des normes « que doit respecter toute personne privée ou publique »  (art.4/L.444).

Ces principes s'inspirent de concepts et renvoient à des standards, à des conduites communément tolérées ou admises.

Au titre des concepts, source de principes, le droit Libanais s’attarde singulièrement (art 2/L.444) sur la diversité biologique, l’équilibre et la pérennité des écosystèmes… etc.

Les standards « formulent (…) un ensemble d’obligations caractérisant des conduites jugées normales et s’imposant à ce titre ». Grâce à ces standards, le droit libanais fait pénétrer les concepts environnementaux dans la sphère de la juridicité. Citons au titre de ces standards « les connaissances scientifiques disponibles », la meilleure technique propre et disponible », « le coût environnemental économiquement supportable ».

Aussi, entreprises, administrations, mais aussi justice sont invitées, dans leur évaluation du comportement écologique – le leur mais aussi celui des autres – à se référer à ces standards, donc d’agir « comme le ferait un administrateur soigneux et diligent ».

Les principes que consacre le droit libanais de l’environnement se subdivisent en deux catégories : D’une part, les principes normatifs qui sont source d’obligations et de droits. D’autre part, les principes dits de gestion lesquels opèrent des choix ou déterminent des modalités d’actions.

Toutefois, cette distinction entre principes normatifs et de gestion n’est pas toujours évidente : un seul principe peut parfois présenter deux faces dont chacune se prête à l’une des deux qualifications. Ainsi, nous suivrons dans nos développements qui suivent le même cheminement qui fut celui du législateur libanais, sans considération pour la nature normative ou de gestion des différents principes.

C’est l’article 4/L. 444 qui a été consacré à l’énumération des principes (lesquels sont au nombre de onze). Enumération entérinée par ailleurs par des définitions sommaires.

Ces principes sont :

- Le principe de précaution,
- Le principe de prévention,
- Le principe du pollueur-payeur,
- Le principe de la protection de la biodiversité,
- Le principe de la lutte contre la dégradation des ressources naturelles,
- Le principe de participation,
- Le principe de coopération.

- Le principe du respect des coutumes locales en milieu rural,

- Le principe de la supervision permanente des seuils de pollution,

- Le principe du recours aux incitations de nature économique,

- Le principe de l’évaluation environnementale permanente.

Trois principes phares intéressent tout particulièrement nos propos : Le principe de précaution, le principe de prevention et le (très controversé !) principe de pollueur-payeur.

Le principe de précaution

Désormais de portée universelle, le principe de précaution a acquis ses lettres de noblesse et a vigoureusement pénétrer la sphère des principes de nature constitutionnelle (Charte constitutionnelle française du 1er mars 2005). Il « définit l'attitude que doit observer toute personne qui prend une décision dont on peut raisonnablement supposer qu'elle comporte un danger grave pour (…) l'environnement. (…) il commande de prendre toutes les dispositions permettant, pour un coût économiquement et socialement supportable de détecter et d'évaluer le risque, de le réduire (…) et si possible de l'éliminer (…) le dispositif de précaution doit être proportionne à l'ampleur du risque (…) »

Le principe de précaution semble répondre aux inquiétudes et questionnements que pose désormais l'accélération du progrès, notamment dans les domaines qui font appel à des connaissances scientifiques et technologiques non encore « vulgarisées ».

Le droit libanais de l'environnement définit la précaution comme étant le principe qui commande de prendre l'ensemble des mesures efficaces et appropriées, fondées sur les connaissances scientifiques et les meilleurs techniques propres disponibles, afin de se prémunir contre toute menace de dommage probable et irréversible que peut subir l'environnement. Aussi, notre droit semble en harmonie sur ce point avec les évolutions théoriques et pratiques de ce principe en droit international.

De fait, le principe de précaution inverse la logique d'intervention et de prise de décision environnementale. Il constitue une soupape de sécurité qui déclenche un mécanisme de protection face à la simple éventualité de risque induite par des incertitudes scientifiques. A cet égard, sa raison d'être s'explique, tout comme le principe de prévention, par le fait que les atteintes à l'environnement s'avèrent souvent de nature irréversible.

Le principe de prévention

« Mieux vaut un sou pour prévenir qu'une bourse pour guérir ».

Ce vieil adage de la montagne libanaise résume à lui seul  la logique qui préside ce fameux principe de prévention.

La prévention vise à régler le problème des atteintes à l'environnement en amont des processus qui les engendrent.

C'est le droit européen qui a, le premier, solennellement consacré cette action préventive  « (…) à la source des atteintes à l'environnement ». L'article 4/L. 444 précise que la prévention doit s'exercer avec les meilleurs « techniques disponibles » sans faire de référence aux coûts économiques desdites techniques. Sous réserve de cette dernière affirmation, la définition libanaise du principe de prévention n'est en réalité qu'une simple reprise des termes de l'article L.110-1 du Code français de l'environnement auprès duquel de législateur libanais s'était largement inspiré en 2002. Ce renvoi aux meilleures techniques disponibles implique que les décideurs doivent à tout moment se remettre aux scientifiques dans la recherche de la technique appropriée de prévention.

A la différence de la précaution qui se déclenche même en cas d'incertitudes liées aux conséquences dommageables pour l'environnement d'une activité déterminée, la prévention repose sur une évaluation des risques. De fait, il se complète par le onzième principe énoncé par l'article 4/L. 444, à savoir celui de l'évaluation environnementale permanente.

Malheureusement, la mise en œuvre des deux principes de précaution et de prévention, ne peut enrayer toute forme d'atteintes à l'environnement. Dès lors, c'est le principe du pollueur-payeur qui entre en jeu.

Le principe du pollueur-payeur

Enfant de la pensée économique des trente glorieuse, ce principe demeure parfois décrié  malgré son «envergure » désormais universelle. Il signifie, aux termes de l'article 4/ L. 444, que le pollueur doit supporter «le coût des mesures de prévention et de lutte contre la pollution ».

De fait, il s'agit concrètement de faire financer les mesures de lutte contre la pollution, décidées par les puissances publiques, par les entreprises polluantes elles-mêmes, sans pour autant les obliger à faire cesser leur activité source de ladite pollution. Il est dès lors évident que la pérennité du système « pollueur-payeur » repose sur le fait que son coût demeure inferieur aux profits engendres par l'activité nuisible à l'environnement.

Ce principe traduit donc une prise en compte des soucis économiques et des contraintes liés à la croissance par le droit de l'environnement.

En effet, malgré une parenté apparente avec la théorie de la responsabilité civile, le principe du pollueur-payeur n'a ni une vocation morale, ni forcement une finalité de réparation et de justice. Il s'agit, en réalité, d'une faveur accordée au monde de l'entreprise, d'une sorte de permis onéreux de polluer. Ceci s'explique aisément par la logique économique qui le sous-tend, elle-même dénuée de toute dimension morale ou de justice distributive.

Le professer Untermaier résume cette logique par une expression saisissante: « je paie, donc je pollue ».

Malheureusement, la pudeur des spécialistes de la protection de l'environnement aboutit souvent à aménager cette réalité, voire à l'occulter entièrement.

Cadre institutionnel de protection de l'environnement en droit libanais

Le Liban a dédié aux préoccupations environnementales tout une structure institutionnelle articulée autour d'un ministère de l'environnement assisté d'une police environnementale.

C'est la loi n 216/93 du 2 avril 1993 qui, pour la première fois dans l'histoire du pays, va offrir à la protection de l'environnement son ministère. Plus tard la loi n 690/2005 du 26 août 2005 est venue préciser les prérogatives et les missions dévolues à ce ministère. Au titre de ces missions, il ya lieu de citer, à titre d'exemple:

- L'élaboration des politiques générales, des plans et projets relatifs à la sauvegarde de l'environnement.

- L'élaboration de projets de lois et la participation à l'établissement des normes et mesures, de toutes natures, ayant traits à la politique environnementale.

- Suggérer l'adhésion du Liban aux conventions et protocoles internationaux relatifs à l'environnement.

…etc.

Les autres ministères continuent, par ailleurs, à assumer leurs propres missions. Ainsi, le ministère de l'intérieur, organe de tutelle des municipalités, demeure compétent dans la supervision des activités environnementales de ces dernières; le ministre de l'industrie continue également de jouer son rôle à l’ egard des industries…etc.

Le bilan

Qu'en est-il du bilan de l'expérience libanaise, 13 ans après l'adoption de la loi n 444/2002?

En réalité, plusieurs raisons contribuent à dresser un tableau mitigé du dispositif libanais de la prise en compte de la problématique environnementale. Certaines révèlent du domaine de la science juridique, d'autres sont le résultat des difficultés de nature politique, administrative mais aussi économique que connaît malheureusement notre pays depuis le début du XXIème siècle.

Aussi, au titre des raisons relevant de l'art du droit, nous pouvons notamment citer quatre failles de notre droit libanais.

En premier lieu, nous avons d'une part la loi 444 qualifiée parle législateur lui-même de loi-cadre, une loi moderne, adaptées aux défis de notre monde contemporain. D'autre part, un ensemble de textes archaïques, comme périmés. Deux exemples nous permettent d'illustrer cette idée: celui des établissements classés et celui de la forêt.

L'industrie et les établissements classés

Depuis de début du XXème siècle, le législateur libanais s'est penché sur la question des établissements dangereux, insalubres ou incommodes. C'est le décret-loi 21/L en date du 22 juillet 1932 - amendé par la suite à plusieurs reprises dont la dernière fut celle du 5 avril 2001 - qui réglemente l'implantation et l'activité de tels établissements industriels.

L'ensemble de ces établissements sont soumis à un contrôle administratif dès lors que « leur activité implique un danger ou une nuisance quant à la sécurité, la salubrité de l'air, le bruit, l'odeur, la santé publique ou l'agriculture » (art. 2/DL 21).

Les établissements de première catégorie doivent impérativement être éloignés des habitations.

Les établissements de deuxième catégorie peuvent être exploités à proximité des habitations à condition de prendre des mesures de protection variables selon chaque type.

Par ailleurs, tous les établissements - quel que soit leur classification - ne peuvent s'installer que suite à l'obtention d'une autorisation administrative. Celle-ci est accordée par le Mouhafez pour les établissements de première et deuxième catégories et par le Caimacam pour les établissements de troisième catégorie.

La jurisprudence du Conseil d'Etat libanais considère que les pouvoirs de l'administration dans le cadre de l'appréciation de l'opportunité d'octroyer les permis n'est pas discrétionnaire mais doit être exercée dans un souci d'équité.

Il nous semble certain que ces dispositions ne se concilient nullement avec les soucis environnementaux exprimés par la loi 444/2002, et ne répondent, en aucun cas, aux besoins écologiques d'un secteur industriel digne de pénétrer le XXIe siècle.

La forêt et son exploitation commerciale

Le code forestier de1949 (Loi n’3 du 7 janvier 1949) a édicté les normes de protection et d'exploitation des forêts. Récemment, ce code a été révisé par la loi n 558 du 24 juillet 1996 en particulier aux forêts protégées.

Ce code classe les forêts en 4 catégories:

- Les forêts domaniales.

- Les forêts macha'a des villages.

- Les forêts propriétés des municipalités.

- Les forêts privées.

L'exploitation des forêts dépend d'une autorisation administrative délivrée par le service des forêts, lequel dépend du ministère de l'agriculture. Elle doit être dans tous les cas supervisée par les gardes champêtres.

Cependant, ledit Code forestier n'établit point une véritable politique pour une exploitation, à la fois intelligente et écologique, de la forêt libanaise.

En deuxième lieu, un retard impressionnant semble affecter l'élaboration et l'adoption des décrets nécessaires à la mise en place des politiques juridiques de protection de l'environnement prévues par la loi 444. Ainsi, sur les 20 décrets d'application prévus par le texte-même de la loi, seuls quatre ont été adopté jusqu'à ce jour. Au titre de ces décrets, celui tant attendu sur l'évaluation de l'impact environnemental, lequel a été enfin adopté sous le n 8633 en date du 7 août 2012. Nous avons donc une sorte de loi handicapée. Qualifiée d'Over rated par certains observateurs du droit libanais.

En troisième lieu, le droit libanais de l'environnement – cette « nébuleuse environnementale » - se trouve comme éclaté et éparpillé dans un nombre impressionnant de textes divers dont chacun obéit à sa logique propre et poursuit les soucis qui été ceux du moment de son adoption. En somme, nous avons un droit hétérogène. Hétérogène dans sa logique interne et dans ses implications externes.

En quatrième lieu, les sanctions en matière d'infractions environnementales sont, presque toujours de nature pénale. Or, les gros pollueurs sont souvent des personnes morales dont la responsabilité pénale ne peut être engagée en droit libanais que suivant les dispositions de l'article 210 du code pénal de 1943. En bref, ce sont essentiellement des amendes qui sont prononcées à l’ egard des pollueurs. Amendes dont les montants ne sont pas toujours dissuasifs (dépréciation monétaire, textes et montants rarement mis à jours etc. …)

Ensuite, au titre des raisons relevant de la situation politique, administrative et économique du pays, citons à titre d'illustration:

- Un ministère de l'environnement dont le budget annuel représente 0,03 % du budget global de l'Etat et qui manque gravement des moyens humains nécessaires pour son fonctionnement - à ce titre, le cadre administratif de ce ministère ne compte qu’une cinquantaine de fonctionnaires. C’est donc un ministère qui dépend dans son action des initiatives de la société civile, du bénévolat, et du secteur prive en général.

- Le manque des moyens économiques de l'Etat en général qui lui empêchent de mettre en œuvre les grandes orientations juridiques établies par la loi n 444/2002. Rappelons par exemple qu'au titre des principes énoncés par l'article 4 de cette loi figure la règle de l'incitation économique des entreprises. Or, cette incitation passe par l'injection de fonds publics - sous forme de subventions directes ou indirectes, d'exemptions d'impôts…etc. – et le Liban n'a malheureusement pas les moyens de ses ambitions affichées en 2002.

La conclusion

Pour clore notre modeste contribution à votre séminaire, il nous semble opportun d'ouvrir les horizons de cette réflexion en rappelant le rôle, toujours  pionnier, joué par le secteur prive au Liban.

Comme si le libanais, une fois libéré du carcan administratif du secteur public, retrouve sa première nature… celle de ce syrien, syriaque de la côte, phénicien, qui a pendant des siècles sillonné la méditerranée afin de commercer et d'exercer son art d'entreprenariat. Si je termine sur cette note c'est parce que la Banque du Liban vient d'honorer, il y a quelques semaines, les entreprises ayant développé des politiques vertes cohérente.

En réalité, en amont du phénomène juridique décrit ci-haut, se mettent en place des concepts-clés: citoyenneté d'entreprise, développement durable, gouvernance verte ou environnementale, responsabilité environnementale, éthique verte de l'entreprise…

Aussi, Les préoccupations éthiques  sont devenues centrales pour les affaires. Certes, la réflexion  autour d'une éthique d'entreprise n'est pas nouvelle: L'utilitarisme anglais de John Stuart Mill, la pensée de Weber sur le capitalisme protestant ou encore le paternalisme social français de la seconde moitié du 19e siècle sont autant de formes de réflexion sur le rôle de l'entreprise et le sens qu'elle doit donner à son action dans la société. Cependant, la formalisation d'une éthique d'entreprise à la fin du 20e siècle se situe dans cette dimension autre.

Désormais, certains spécialistes tentent de concilier éthique et environnement sous la bannière de l'utilitarisme. L'utilitarisme qui sert de repère à la moralité.

Par ailleurs, des actions éthiques ont la possibilité dans certains cas d'améliorer l'efficacité de l'entreprise ou bien son image auprès du consommateur. Dans sa théorie de stakebolder approach, Freeman démontre que l'entreprise est prise dans un réseau de relations qui structure son organisation et oriente son comportement et ses activités.

C'est une éthique du profit.

Clôturons nos propos par cette réflexion de Jacques Généreux:

« Jamais notre capacité à produire des richesses n'a été aussi grande et jamais notre incapacité à mettre cette prospérité au service du mieux-être de tous les hommes n'a été aussi flagrante »